vendredi 22 mars 2013

Le Sonnet


Le sonnet est sans doute la forme la plus connue, de nos jours, en poésie. Baudelaire l’a utilisé plus que fréquemment dans Les fleurs du mal.

La définition du dico affirme qu'il s'agit d'un "poème de 14 vers, composé de 2 quatrains aux rimes embrassées, suivis de 2 tercets dont les 2 premières rimes sont identiques tandis que les 4 dernières sont embrassées ou croisées."

Dans le second post, nous avons vu ce que signifient quatrain et tercet.
Pourtant la réalité est moins mécanique, fort heureusement pour la poésie.

Le sonnet a été utilisé pour la première fois par Pétrarque et introduit en France par Clément Marot, à la Renaissance.

Généralement on appelle sonnet italien celui dont les dernière rimes sont embrassées (ABBA ABBA CCD EED) et sonnet français (ou marotique) celui dont les rimes sont entrelacées (ABBA ABBA CCD EDE).

Me souvenant de tes bontez divines
Suis en douleur, princesse, à ton absence ;
Et si languy quant suis en ta presence,
Voyant ce lys au milieu des espines.

Ô la doulceur des doulceurs femenines,
Ô cueur sans fiel, ô race d'excellence,
Ô traictement remply de violance,
Qui s'endurçist pres des choses benignes.

Si seras tu de la main soustenue
De l'eternel, comme sa cher tenue ;
Et tes nuysans auront honte et reproche.

Courage, dame, en l'air je voy la nue
Qui ça et là s'escarte et diminue,
Pour faire place au beau temps qui s'approche.

Clément Marot, A madame de Ferrare

Voilà un exemple de Sonnet dit français ou marotique (celui-ci va même jusqu’à utiliser dans les tercets les rimes CCD CCD). A vrai dire, Marot utilise les rimes embrassées et non entrelacées.



Clément Marot

Il existe le sonnet élisabéthain (utilisé par Shakespeare himself, si tant est que Shakespeare ne soit pas un pseudonyme utilisé par un noble anglais) : ABAB CDCD EFEF GG, donc composé de trois quatrains et d’un distique (strophe de deux vers).
Mais, comme Pétrarque, les poétes s'affranchissent parfois du carcan du système. Ainsi Baudelaire, dont Les Fleurs du Mal comportent bon nombre de sonnets, a écrit ce sonnet plus libre (AABB AABB CDD CDD, où CDD n'a rien à voir avec un contrat de travail, ça va de soi).
La fontaine de sang

Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

A travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge la nature.

J'ai demandé souvent à des vins captieux
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ;
Le vin rend l'œil plus clair et l'oreille plus fine !

J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux ;
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles
Faits pour donner à boire à ces cruelles filles !



Mais peu importe le type de sonnet ! C'est la poésie seule qui compte, et la musique ne doit pas succomber à la forme qui nous prive trop souvent du plaisir des rimes et de la puissance évocatrice du verbe.
La technique est un outil au service de l'émotion, et non le contraire. Trop d’enseignants nous ont torturés avec cette analyse froide du poème, faisant fuir sans doute ceux qui auraient pu apprécier le poème pour sa seule émotion.

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